My Beautiful Seventies

Vieillir n'est pas (toujours) une punition

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Par Michèle Fitoussi
5 mai · 6 mn à lire
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Nathalie Rykiel

Bienvenue dans My Beautiful Seventies

SOMMAIRE

1. Édito. J’ai un problème avec mon cou.
2. Rencontre. Avec Nathalie Rykiel, auteure de « Ce sera le bonheur » (Lattès).
3. Revue de presbyte. Les mannequins âgées sur les podiums. Lynn Slater, icône par accident. Vieillir comme Isabella Rossellini.
4. À votre santé ! Jusqu’à quel âge garde-t-on la forme ?
5. Vieilles et golri. C’est pas demain la vieille. 6. Les 70e rugissantes. Coco et Colette.
7. MBS a aimé. Un livre, Python de Nathalie Azoulai (POL). Une expo, Nathanaelle Herbelin au musée d’Orsay.

J’AI UN PROBLÈME AVEC MON COU.

Je me souviens avoir beaucoup ri il y a une quinzaine d’années, en lisant le livre de la scénariste et auteure américaine Nora Ephron : « J’ai un problème avec mon cou ». En particulier avec le premier texte, au titre éponyme. Sa façon d’aborder le vieillissement physique était hilarante : « Il m’arrive de temps en temps, écrivait-elle, de lire des livres sur l’âge et, quelles qu’en soient les auteures, elles affirment que c’est toujours merveilleux de vieillir (…). Mais à quoi elles pensent ces femmes ? Elles n'ont donc pas de cou ? »

Je compatissais bien un peu à ce douloureux problème, mais un cou ridé, flasque ou empâté, était alors le cadet de mes soucis. Aujourd’hui, je la reçois 5 sur 5. Si je devais réfléchir sérieusement à ma façon de m’habiller le matin, ce serait sans doute d’une robe longue descendant jusqu’aux pieds, bras couverts et col roulé. Même (et surtout) à la plage. Ce qui est tout ce que je déteste et combat par ailleurs, mais pour d’autres raisons. De toute façon, je suis claustrophobe et puis au fond, à quoi bon tricher ? J’ai le cou assorti à mon âge et par endroits la peau fripée d’un vieux poulet. Et je ne mentionne pas le reste, l’énumération serait fastidieuse. Dire que je m’en fiche serait exagéré, mais j’ai fini par m’en accommoder. Être à la fois dans la team de celles qui usent d’artifices, sans en abuser pour autant, et dans la team de celles qui cultivent le naturel, c’est l’objectif, selon l’humeur.

Pas de recette miracle, donc. Et pas de fixette non plus, sinon c’est sans fin. Mieux vaut utiliser l’humour pour se dérider, et savourer chaque jour la chance de vieillir en forme ou à peu près. Quel que soit le cou, franchement, ça vaut le coup.

NATHALIE RYKIEL : “Il manque un mot entre grandir et vieillir”  

J’ai connu Nathalie lorsqu’elle était enceinte de Salomé, la cadette de ses trois filles. Elle était élégante, raffinée, et insatiable lectrice, ce dernier point nous rapprochait. Directrice artistique de Sonia Rykiel, la marque créée par sa mère dans les années 60, elle en est devenue la présidente, jusqu’à sa vente en 2012. Toujours élégante, raffinée, et plus “boulivrique” que jamais, elle se consacre à l’écriture et vient de publier « Ce sera le bonheur » (JC Lattès), un texte émouvant et sensible, où elle raconte d’une plume tendre les moments marquants de son existence et de celle de ses proches. Rencontre chez elle, sur un canapé de velours vert émeraude, sa couleur préférée.

    "D'avoir eu  tout cela, quand je meurs, ce sera le bonheur" écrit Nathalie Rykiel.                                                                                                                                                                         Photo  Joanne AZOUBEL "D'avoir eu tout cela, quand je meurs, ce sera le bonheur" écrit Nathalie Rykiel. Photo Joanne AZOUBEL

Michèle : My Beautiful Seventies, qu’est-ce que ça évoque pour toi ?

Nathalie : Rien pour le moment ! J’aurai 70 ans dans deux ans !

Michèle : Tu as quand même ressenti le besoin de publier un livre de souvenirs. Est-ce un « solde de tout compte » ?

Nathalie : Non, pas du tout. Pour moi, la vie est un long chemin, fait d’étapes, il n’y a pas de « solde de tout compte » pour passer à la suivante. Ce qui m’a motivée, c’est la peur de perdre la mémoire. Ce n'est pas encore mon cas, heureusement, mais ça m’arrive parfois et je le constate aussi chez mes amis de mon âge : oublier le titre d’un film, revenir en arrière en reprenant un livre qu’on est en train de lire. Depuis toujours je constitue des albums où je garde tout, et surtout les photos et les petits mots de mes filles depuis leur naissance. Ce n’est pas pour me complaire dans le passé, je préfère le moment présent, mais quand je traverse des moments difficiles, je les reprends et je me dis - je le dis aussi à mes filles : « Regarde le chemin parcouru, ce qui te semblait tellement insurmontable il y a dix ans et que tu as réussi brillamment, te prouve que tu peux tout faire ». Pouvoir revenir en arrière, c’est constructif, c’est une façon d'avancer.

Michèle : Prendre de l’âge t’effraie-t-il ?

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